Les 5 erreurs en prise de parole vidéo (et comment les éviter grâces aux techniques de l’acteur)
- Christophe Mené
- 18 mars
- 10 min de lecture

Pourquoi est-ce si difficile de parler en vidéo ? Si vous lisez ces lignes, c’est que vous avez probablement déjà tenté l’exercice de la prise de parole filmée. Que ce soit pour lancer une chaîne YouTube, présenter un projet professionnel en visioconférence, ou gagner en impact dans vos communications digitales, vous avez peut-être ressenti ce malaise bien connu : voix hésitante, débit trop rapide, phrases creuses, ou encore l’impression de ne pas capter l’attention.
Vous n’êtes pas seul. Même les meilleurs orateurs peuvent perdre tous leurs moyens devant une caméra. Ce n’est pas un simple problème de stress ou de méthode. C’est un problème d’adaptation au médium. Parler en vidéo n’a rien à voir avec une discussion en face-à-face ou sur une scène. C’est une technique à part entière, avec ses propres règles, ses propres pièges et ses propres exigences.
Dès qu’une caméra nous fixe, nous réalisons brutalement que nous ne savons plus quoi faire de nos mains, que notre voix manque d’énergie, que notre regard fuit, et que nos idées semblent se disperser. Pourquoi ? Parce que la caméra est un filtre implacable : elle ne pardonne ni le flou, ni l’approximation, ni l’absence d’émotion. J’en ai fait l’expérience tout au long de mon parcours.
Du scénario au coaching d’acteur et à la prise de parole
Avant de devenir coach d’acteurs et d’aider des professionnels à améliorer leur présence à l’écran, mon parcours s’est d’abord construit autour de l’écriture et de la mise en scène.
À mes débuts, le hasard m’a conduit à collaborer, en tant qu’apprenti scénariste, à l’élaboration de la bible artistique du Péril Jeune de Cédric Klapisch (1994). Cette expérience déterminante m’a permis de faire mes premiers pas dans l’univers du cinéma et de la télévision. Par la suite, j’ai endossé le rôle de script-doctor sur plusieurs séries et unitaires, analysant et ajustant les dialogues, les arcs narratifs, les dynamiques de personnages… bref, en améliorant la façon de rendre un message clair, percutant et émotionnellement fort.
Depuis 20 ans j’ai animé des ateliers, des stages à Paris et à Lille, avec Acte 1 et, depuis 2022, je dirige cineacting.com, un site dédié au coaching d’acteur en visio-conférence, qui permet à des interprètes d’accéder à un entraînement de haut niveau.
Ce parcours m’a appris une chose essentielle : se préparer pour la caméra ne s’improvise pas. C’est un travail, une méthode, une discipline. Dans mon livre Face à la caméra ou la vérité de l’instant, j’explique comment les interprètes construisent leur présence à l’écran et comment chacun peut s’inspirer de leurs techniques pour toucher un public.
Si aujourd’hui j’aide des acteurs et des professionnels à mieux s’exprimer devant la caméra, c’est aussi parce que j’ai moi-même vu, en entreprise, à quel point la vidéo peut être un obstacle redoutable. Pendant six ans, j’ai travaillé au service vidéo de Roland Berger Strategy Consultants, un cabinet de conseil où la communication est une arme essentielle. J’y ai vu des dirigeants, des experts, des consultants ultra-compétents sur le papier… mais incapables de transmettre leur message face à la caméra.
Le constat était toujours le même : ces professionnels étaient brillants en réunion, charismatiques en one-to-one, mais dès qu’ils devaient parler à une caméra, leur impact s’évaporait. Certains récitaient leur discours de manière rigide, d’autres parlaient trop vite, ou perdaient toute spontanéité en essayant d’être “parfaits”. La vidéo mettait en lumière des failles invisibles en présentiel.
Ce que j’ai appris à travers cette expérience, c’est que la prise de parole en vidéo n’est pas un simple prolongement de la communication orale traditionnelle. C’est un métier en soi, un exercice qui demande une préparation spécifique et une approche inspirée du théâtre et du cinéma.
C’est là que j’ai commencé à appliquer les techniques du jeu d’acteur aux professionnels qui devaient se confronter à la caméra. Et ce qui était stimulant, c’est que ces méthodes fonctionnaient immédiatement. Dès qu’un consultant ou un dirigeant arrêtait de réciter son texte et commençait à incarner réellement son message, son discours devenait vivant.
Je vais vous partager les 5 erreurs que j’ai le plus souvent observées chez les orateurs en vidéo. Ces erreurs sont celles qui sabotent votre crédibilité, réduisent votre impact et font que votre message se perd dans le bruit ambiant. Plus important encore, je vais vous donner les solutions précises inspirées des meilleurs acteurs, orateurs et scénaristes pour éviter ces pièges.
1. Ne pas savoir quel “personnage” vous incarnez
L’erreur la plus sous-estimée, et pourtant la plus importante, est de ne pas avoir une identité claire à l’écran. Beaucoup croient qu’il suffit d’être “naturel” en vidéo. Or, paradoxalement, le naturel est un piège. Face à une caméra, nous avons besoin de structurer qui nous sommes, d’incarner une version améliorée de nous-mêmes.
Un acteur qui se prépare pour un rôle ne se contente pas d’apprendre son texte. Il construit un personnage. Il sait d’où il vient, ce qu’il veut, quelles sont ses forces, ses failles, et comment il doit s’exprimer. C’est exactement ce que vous devez faire en vidéo.
Prenez l’exemple d’Oussama Ammar, entrepreneur et conférencier. Il ne se limite pas à donner des conseils business, il développe une véritable signature orale et visuelle. Son ton est détendu, presque provocateur. Il joue avec l’humour, interrompt son discours pour créer des effets de surprise, adopte une posture nonchalante tout en projetant une autorité naturelle. Ce n’est pas du hasard. Il sait exactement quel rôle incarner face à la caméra.
Si vous vous filmez sans avoir défini votre personnage d’orateur, votre contenu risque d’être flou, sans saveur. Avant de vous lancer, posez-vous ces questions essentielles :
Qui suis-je à l’écran ? Un expert structuré ? Un mentor inspirant ? Un challenger provocateur ?
Quelle énergie dois-je transmettre ? De la rigueur ? De l’émotion ? De l’enthousiasme ?
Quelles sont mes forces naturelles ? Un bon sens de l’humour ? Une voix posée et rassurante ? Une gestuelle précise ?
Travailler votre personnage ne signifie pas jouer un rôle artificiel, mais bien incarner votre message. Comme un acteur qui se prépare pour une scène, vous devez connaître les intentions derrière vos mots, votre posture, votre regard. Un orateur qui a cette clarté devient immédiatement plus intéressant.
2. Parler trop vite : le fléau du débit mitraillette
L’un des symptômes les plus courants du stress face à la caméra est le débit trop rapide. C’est un réflexe naturel : on a peur de perdre l’attention de l’audience, alors on enchaîne les phrases sans respirer, comme si le simple fait de ralentir allait provoquer un désintérêt immédiat. Mais c’est l’inverse qui se produit.
Un bon orateur sait jouer avec le rythme. Observez Barack Obama : chaque mot est pesé, chaque pause est stratégique. Lorsqu’il prononce une phrase forte, il laisse un silence. Ce silence oblige le spectateur à assimiler l’idée, à s’y arrêter. Steve Jobs utilisait exactement la même technique : il ne débitait pas son message, il le distillait.
Les acteurs, eux, maîtrisent ce qu’on appelle le tempo émotionnel. Une phrase importante est dite lentement, avec un regard appuyé. Une transition rapide dynamise le discours. Une pause bien placée crée de l’anticipation.
Si vous parlez trop vite, commencez par vous entraîner à prolonger les respirations. Prenez un texte et lisez-le en marquant des arrêts conscients après chaque phrase clé. Répétez jusqu’à ce que le rythme devienne naturel. En vidéo, le silence est une arme, pas une faiblesse.
3. Utiliser des mots creux et stéréotypés : le syndrome du “bullshit verbal”
Si vous avez déjà regardé une vidéo où quelqu’un disait :
“Nous allons optimiser nos process afin de maximiser notre impact tout en restant alignés avec notre mission et nos valeurs.”
Vous avez probablement ressenti un ennui profond ou une envie irrépressible de zapper. Et c’est normal. Parce que cette phrase ne raconte absolument rien. Elle utilise des mots passe-partout, des concepts abstraits qui sonnent intelligents, mais qui n’évoquent aucune image concrète.
En vidéo, chaque phrase doit créer une image mentale. Plus votre langage est visuel et percutant, plus votre message reste en mémoire. Les meilleurs orateurs ne se perdent pas dans des discours vides. Ils parlent comme s’ils racontaient une histoire.
Regardez Gary Vaynerchuk. Il ne dit jamais :
“Un business doit se différencier et maximiser la rétention client.”
Mais :
“Si ton client n’a pas envie de revenir chez toi, c’est que tu fais mal ton boulot.”
Simple, direct, percutant. Et surtout, c’est une phrase qu’on retiendra.
Les scénaristes le savent bien : les dialogues qui sonnent faux ne passent pas l’épreuve de l’écran. Un acteur doit croire à ce qu’il dit pour être crédible. Si vous récitez un texte rempli de jargon ou de phrases toutes faites, vous perdez immédiatement votre impact.
Alors, avant d’allumer la caméra, posez-vous cette question :
Est-ce que ma phrase pourrait être comprise par un enfant de 10 ans ?
Si je devais l’expliquer à un ami au café, est-ce que je la dirais vraiment comme ça ?
Est-ce que ça crée une image claire dans la tête de celui qui m’écoute ?
Si la réponse est non, réécrivez. Parlez avec des mots simples, des phrases courtes, des images fortes. Un bon orateur n’impressionne pas par la complexité de son langage, mais par sa clarté.
4. Mal structurer son message : donner un GPS à votre audience
Regarder une vidéo mal construite, c’est comme suivre un GPS qui ne donne pas d’indications claires. On avance, on recule, on tourne en rond… et au final, on abandonne. Le spectateur décroche.
Dans un contenu en ligne, chaque seconde compte. Si vous commencez sans retenir immédiatement l’attention, si vous enchaînez les idées sans lien précis, si vous perdez du temps à digresser, vous n'allez pas garder votre audience.
Un bon discours suit toujours une structure narrative forte. Regardez une conférence TED : il y a une accroche solide, une montée en puissance et une conclusion marquante. Les meilleurs orateurs appliquent en réalité les principes du storytelling.
Prenons un exemple avec Simon Sinek. Sa conférence “Start with Why” (l’un des TED Talks les plus visionnés au monde) suit une structure limpide :
Accroche forte : Il commence en posant une question intrigante.
Développement progressif : Il expose ses idées avec une logique implacable.
Conclusion marquante : Il laisse son audience avec une idée forte et mémorable.
Vous devez penser votre vidéo comme une scène de film. Un bon film ne commence jamais par 15 minutes d’exposition inutile. Il vous attrape dès la première scène.
Si vous vous lancez en vidéo, voici la structure à respecter :
Une accroche immédiate : commencez par une phrase forte, une anecdote percutante ou une question qui capte l’attention.
Un développement clair et fluide : ne partez pas dans des digressions inutiles. Chaque idée doit amener naturellement la suivante.
Une conclusion qui laisse une empreinte : une punchline marquante, un appel à l’action puissant.
Regardez les discours de Steve Jobs. Il ne démarre jamais par une introduction fade du type :
“Bonjour à tous, aujourd’hui, nous allons vous présenter un nouveau produit.”
Non. Il ouvre avec une phrase clé, qui donne envie d’écouter la suite. En 2007, pour le lancement du premier iPhone, il a entamé par ces mots :
“De temps en temps, un produit révolutionnaire arrive et change tout.”
Dès cette première phrase, on est accroché. Vous devez faire pareil en vidéo. Ne commencez jamais par des banalités. Prenez un départ fort, et structurez votre message pour que le spectateur sache où il va.
5. Chercher à être parfait plutôt qu’authentique : l’erreur fatale de la performance
L’une des erreurs les plus courantes en prise de parole vidéo, c’est de vouloir trop bien faire. De chercher à être impeccable, sans hésitations, sans accroc, avec une posture maîtrisée au millimètre près et une diction parfaite. Le problème ? La perfection tue l’authenticité.
Face à la caméra, beaucoup adoptent inconsciemment une voix artificielle, un ton monocorde ou une gestuelle rigide. Ils s’inventent un masque, une version trop lisse d’eux-mêmes. Résultat ? Le spectateur ne ressent rien. Car ce qui crée de la connexion, ce n’est pas une performance “parfaite”, c’est une présence humaine, vivante, vibrante.
Regardez les meilleurs communicants en vidéo : aucun d’eux ne parle comme un présentateur télé. Ils laissent des moments de silence, prennent le temps de chercher leurs mots, improvisent, rient parfois… et c’est justement ce qui les rend magnétiques.
Les acteurs le savent bien : une interprétation trop lisse ne fonctionne pas à l’écran.
Un grand comédien sait que ce sont les petits moments d’imprévu, les légères imperfections, les hésitations maîtrisées qui donnent de la vie à une scène. Robert De Niro, Al Pacino ou Meryl Streep ne cherchent pas à réciter impeccablement leur texte. Ils l’incarnent, avec toute l’humanité que cela implique.
Il en va de même pour la prise de parole filmée. Ce qui fonctionne, ce n’est pas une performance sans faille, mais une présence crédible et engageante. L’erreur, c’est de vouloir se conformer à une image lisse et formatée, croyant que c’est ce que l’audience attend. Mais en réalité, ce qui retient l’attention, c’est l’authenticité, l’engagement, la capacité à transmettre une énergie unique.
Comment intéresser sans tomber dans la performance ?
La clé, c’est de trouver votre propre voix et de vous autoriser à être imparfait. Une bonne prise de parole en vidéo ne signifie pas réciter un texte figé, mais habiter pleinement chaque mot, vivre le message que vous transmettez.
Si vous vous sentez bloqué devant la caméra, voici quelques pistes pour retrouver votre naturel :
Arrêtez de viser la perfection. Donnez-vous l’autorisation de bafouiller légèrement, de reformuler, d’avoir des silences. Une phrase dite avec sincérité est toujours plus parlant qu’un monologue récité mécaniquement.
Entraînez-vous à vous exprimer comme si vous discutiez avec un ami. Imaginez que la caméra est un interlocuteur réel et engagez-vous dans la conversation avec lui.
Utilisez votre corps et votre gestuelle spontanément. Si vous figez vos mouvements, vous perdez en dynamisme.
Enfin, filmez-vous et regardez-vous sans chercher à juger. Posez-vous simplement la question : Est-ce que j’ai l’air sincère et engagé ? Si votre réponse est oui, c’est que vous êtes sur la bonne voie.
Dans ma formation en visioconférence, j’enseigne justement comment se libérer de cette pression du “parfait” pour trouver son style naturel et développer une présence réelle sans artifice. La vidéo est un médium exigeant, mais maîtrisable. Le secret n’est pas de jouer un rôle, mais d’amplifier ce qui fait déjà votre force.
Ensemble, nous travaillerons comment :
Construire un personnage d’orateur authentique et percutant
Structurer son message comme un scénariste pour éviter que l’audience décroche
Jouer avec le rythme et l’émotion comme un acteur pour captiver son public
Les erreurs que nous avons vues ne sont pas des fatalités mais des signaux qui vous indiquent de quelle façon travailler pour passer au niveau supérieur.
Vous voulez que votre message soit entendu et retenu ? Alors entraînez-vous comme un comédien prépare son texte avant une scène. Identifiez votre style, jouez avec le silence et l’intensité, osez l’émotion et surtout… libérez-vous du besoin d’être parfait.
Face à la caméra, il n’y a qu’une seule règle qui compte : soyez vivant.
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